Ondino Viera

Dans son livre, “la pyramide inversée”, l’auteur britannique Jonathan Wilson cite à deux reprises Ondino Viera en employant le mépris au sujet de cet entraîneur totalement méconnu par l’Europe du football. Médias, cénacle universitaire et la toile internet. Pour une fois, je ne donne pas tort à Wilson, car si Viera ne fut jamais avare en interview, il n’en demeurait pas moins un baladin des mots, maniaque, malin, déroutant, explosif, capable d’embobiné et de lessiver n’importe quel journaliste en moins d’une heure. Ainsi donc, même pour le Pape du savoir en matière de tactique et de culture-jeu, Viera reste une énigme. Il est donc temps d’éclairer la lanterne des sachans…

Genèse

Durant les années, trente, plusieurs entraîneurs venus de Montevideo traversent le Brésil et s’installent dans la capitale du pays. Parmi ses techniciens, se trouve Ondino Vieira. Joueur de qualité moyenne dans les années 1920, Ondino Viera entame le coaching à l’âge de vingt-sept ans. C’est un fait de première importance. Viera qui supervise pour le compte d’une entreprise du bâtiment une zone concernant la construction du stade Centenario ne participe pas directement à la victoire de la céleste en 1930.

Il commence en prenant en main une sélection régionale puis le club du Nacional, ce qui est une formidable promotion pour ce technicien inexpérimenté. Il remporte le championnat en 1933 mais il n’est pas reconduit au poste d’entraineur par la direction du club. En 1937, il coache River Plate, à ne pas confondre avec son prestigieux voisin de Buenos Aires, puis accepte la proposition du club brésilien, le très select club de Fluminense.

Viera succède à son compatriote Carlos Carlomagno désigné responsable en chef des équipes de jeunes au sein du club. Le recrutement de Viera, laisse de marbre la plupart des joueurs, car Fluminense reste sur deux titres de champion de l’État de Rio. Durant ses débuts, Viera n’apporte aucune touche particulière à la formation tricolore, il se contente d’observer ses joueurs et les équipes adverses.

Ondino Viera est un homme de football, uruguayen de surcroît, le pays des champions du monde, néanmoins, il n’est pas structuré par la culture rioplatense. C’est un entraîneur-manager qui fait preuve d’une grande autorité avec ses joueurs et place la tactique au-dessus de tout. Pendantdes années il a côtoyé et absorbé tout ce que les joueurs et entraîneurs britanniques et ceux venus des rives du Danube, lui ont enseigné.

Dogmatique

C’est un fait capital. Si Viera est un homme de Montevideo, il incarne l’antithèse du football rioplatense.

Lors de ses premières semaines à la tête du club de Rio, Viera remarque que le style des joueurs de Rio diffère du reste du pays. Le jeu est lent, les joueurs ne produisent rien et se perdent dans une culture-jeu importé du vieux continent.

Au tout début du XX siècle, Rio de Janeiro connait un boum immobilier. Les espaces se réduisent. La ville manque cruellement de grands terrains de football et de terrains vagues ou les jeunes issus des couches populaires, qu’ils soient blancs, noirs, métis ou amazones, ne peuvent pas s’adonner à leur jeu favori. Enfin, la pratique du football est le fait de l’aristocratie locale.

Les jeunes cariocas jouent à la plage ou sur des terrains de dimensions réduites, implantés un peu partout dans la ville. L’espace réduit enfante le joueur de Rio qui développe une relation à la balle unique en son genre. Technique, dribble et jeu court dans les petits espaces. À Rio, on crée le mystère, à Sao Paulo, on court…

Durant son séjour aux commandes du club de Lanjareiras, Viera fréquente l’École Nationale d’éducation physique, future pépinière et laboratoire de la DTN locale en relation avec l’armée et il étudie la psychologie qu’il calque sur ses joueurs. Après trois ans au sein du club tricolore, il cède à la proposition du club de Vasco de Gama et son président Antonio da Silva Campos. À la tête du club à la croix de Malte, Viera a les coudées franches et dispose de certains moyens. Fort de son expérience acquise dans son club précèdent, il mandate son adjoint pour faire venir des joueurs qu’il a remarqués.

Viera toujours aussi martial et dogmatique, impose une discipline de fer et innove en imposant le 4-2-4, une première dans le monde du football. Le coach uruguayen pense que ses joueurs en fonctions de leurs qualités sont plus aptes à être productif avec ce type de schéma. Les résultats ne se font pas attendre, Vasco domine facilement ses adversaires et remporte titre sur titre. Viera a enfanté “l’Express de la victoire”. Lors du déroulement des parties, quand elle possède la balle, la formation alvinegro adopte une position sur le terrain, similaire a une équipe de basket. La formation du Vasco de Gama est à l’image de son créateur. Une machine qui déroule un jeu mécanique, répétitif, millimétré, dénué de toute motricité créatrice. En 1946, Viera claque la porte du club, il ne digère pas le départ d’Ademir attaquant vedette du Vasco pour le voisin Fluminense. L’année suivante, il signe en faveur du Botofogo, le club à l’étoile solitaire.

Tensions

Viera est enchanté par les installations du club alvinegro, dont son fameux stade de l’avenue du général Severiano. Lors de ses premiers entraînements, il se heurte à un problème de taille avec le joueur vedette du club, Heleno de Freitas.

Viera connaît la valeur du footballeur pour l’avoir eu à plusieurs reprises face à ses équipes, mais il pense que l’aspect libertin, sauvage, caractériel et indiscipliné de la star du football brésilien nuit à la cohésion de l’effectif du Botafogo. Un autre paramètre rentre en compte, Viera pense que De Freitas est un joueur inadapté pour évoluer dans un système de jeu qui repose sur le 4-2-4. Heleno est un joueur en rapide qui se déplace aux quatre coins du terrain et affiche une technique en mouvement sophistiqué. Il n’est pas miscible dans ce football qui repose sur un jeu lent fait d’attente couplée à une longue préparation en faisant tourner la balle latéralement face aux défenses adverses.

Quelque temps plus tard, la direction du club impose à sa vedette un départ vers le club argentin du Boca Juniors. Libéré de l’emprise d’Heleno sur l’effectif, Viera impose son schéma développé au Vasco Gama à son effectif. Dès sa première année, le coach uruguayen remporte le titre de champion de l’État de Rio, une récompense que les supporteurs du Fogao attendait depuis une dizaine d’années.

Ondino Viera ne reste qu’une seule saison au club de Botafogo, l’épisode du départ d’Heleno de Freitas a laisser destraces indélébiles chez beaucoup de supporteurs et l’ambiance dans les couloirs du stade Severiano est pesante.

Retour à Fluminense et polémique

L’affrontement entre De Freitas et Viera fait office de symbole. Accroché à ses dogmes, Ondino Viera n’a jamais chassé en lui ce que les Britanniques et européens de l’Est lui avaient enseigné quand il était jeune. Le football c’est un effectif de playmobil qui marche au pas de l’oie !

Après cette expérience, Ondino Viera retourne au club de Fluminense. Dès les premières rencontres, il ne connaît pas la même réussite que par le passé. Ses idées ont fait école dans la plupart des équipes de Rio, même si son ancien adjoint Flavio Costa en charge du Vasco a opté pour la diagonale, un système de jeu expérimenté avec succès en Argentine. Costa dirige la seleçao lors de la phase finale de la Coupe du Monde 1950, Viera doit faire face à certaines accusations.

Après la victoire finale de l’Uruguay au stade de Maracaña, certains cadres de la CBF et journalistes brésiliens, accuse Ondino Viera d’avoir renseigné les techniciens uruguayens sur le niveau de jeu de l’équipe nationale brésilienne. Concepteur du Vasco de Gama, la Seleçao reposait sur cette armature qui avait fait ses preuves, guidé par Flavio Costa élève de Viera. C’est une accusation sans fondement, les responsables de la céleste et l’ensemble des techniciens au pays ainsi que les joueurs connaissaient sur le bout de leur doigt le répertoire du onze uruguayen.

Fin de partie

Pendant les années cinquante, Ondino Viera entraine plusieurs clubs, dont le Nacional avec lequel il remporte plusieurs titres. Plus tard, il coache la sélection du Paraguay dans le cadre de la Copa America et fini à la deuxième place du tournoi. Entre-temps, le Brésil a remporté deux Coupes du Monde avec un système de jeu mis au point par Ondino Viera, vingt-ans auparavant et dix ans avant la Hongrie de Gustav Sebes…

Outre, ses succès au Brésil, on note un fort impact de Viera dans sa patrie d’origine. Plus que tout autre, il est celui qui aura réussi à implanter l’idée et le besoin d’un football étatisé et académique en Uruguay, faisant partie de ceux qui auront contribué à détruire le football rioplatense !

Ce texte original, consacré à Ondino Viera est le premier rédigé en français et publier sur le NET