Hermann Buhl, envers et contre tout

Le 3 juillet 1953 est une date clé dans l’histoire de l’alpinisme. Ce jour-là, le grimpeur autrichien Hermann Buhl se propulse au sommet du Nanga Parbat qui culmine à 8 126 mètres d’altitude. C’est la première  fois où un  8 000 dans l’Himalaya est vaincu par un seul homme. Cette ascension a fait couler beaucoup d’encre à son époque, suscitant des débats envenimés. Cette polémique tient au fait des conditions dans lesquelles le Nanga Parbat, un des sommets les plus dangereux de la chaine himalayenne, fut vaincu.

À l’orée des années cinquante, Hermann Bhul est un grimpeur chevronné qui a plusieurs sommets d’importance à son actif. Il développe durant ces jeunes années une appétence pour l’escalade en solitaire.

En 1953, une expédition est organisée par Karl Maria Herrligkoffer dont le but est l’ascension du Nanga Parbat. L’ascension est dirigée par Peter Aschenbrenner. Lors des premiers jours, les différents grimpeurs montent pour établir des relais.

Hermann Buhl, en compagnie d’Hans Hertl, Walter Frauenberger, Hermann Köllensperger et Otto Kempter établissent les camps III et IV. Le lendemain, ils parviennent à établir le camp V à 7 000 mètres d’altitude. Peu après, Peter Aschenbrenner donne l’ordre d’abandonner une éventuelle reconnaissance ou ascension du fait d’une mauvaise météo. L’ensemble du groupe, y compris les sherpas, redescend au camp de base, excepté.  Otto Kempter et Hermann Buhl qui reste au camp V, persuadé que la météo est favorable pour une possible ascension.

Le lendemain, aux petites heures du matin, les deux grimpeurs s’élancent vers le sommet. Kempter qui ne peut suivre son équipier, renonce au bout de quelques heures et décide de rejoindre le camp V. Après un rapide conciliabule avec Buhl, le natif d’Innsbruck fort de son expérience dans les ascensions en solitaire, décide de continuer.

La suite est connue de tous les amateurs d’alpinisme. Vers 14 heures, il atteint un point-clé avec la brèche de Bazhin qui sépare l’antécime du sommet. Hermann Buhl  proche du renoncement, avale deux comprimés de Pertivine. Il s’agit d’un dérivé de méthamphétamine aux propriétés psychostimulantes, utilisé par les soldats allemands durant le second conflit mondial.

Au prix d’efforts surhumains, Buhl fini par atteindre le sommet vers 19 heures, heure locale. Buhl ne perd pas de temps. Il plante son piolet et attache un fanion tyrolien. Il sort son appareil photo et immortalise l’instant historique. Buhl rajoute un drapeau pakistanais et prend une deuxième photo. Il reste quelques minutes le temps de contempler l’horizon, puis entreprend la descente.

Rattrapé par la nuit, il bivouaque à 8000 mètres puis il atteint le camp V dans un état alarmant. Déshydraté et souffrant de gelure aux pieds, il reste conscient. Peu après, un équipier, Hans Ertl, le récupère et amène les premiers soins. Buhl aidée par Ertl rejoignent le camp de base, terriblement affaibli, mais vainqueur. Dix-sept heures, pour rallier le sommet, un peu plus pour redescendre, le tout en solitaire et sans oxygène. Buhl a repoussé les limites comme aucun homme ne l’avait fait auparavant et c’est là que la polémique va naitre et dure encore de nos jours.

Polémique

Je n’ai jamais souscrit au discours vaseux et gauchisant qui consiste à charger une personne qui a fait preuve d’une ténacité et d’une abnégation à toute épreuve, quitte à mettre sa vie en danger. L’alpinisme de haut niveau, ce n’est pas fait pour tout le monde. Il faut être doté d’une force mentale inouïe pour vaincre des sommets à plus de 8000 mètres d’altitude sans oxygène, et ce n’est pas deux comprimés qui change la donne !

Hermann Buhl est allé au-delà de lui-même, et cette ascension en solitaire, force le respect. La seule chose que l’on pourrait reprocher à Buhl est qu’il était marié et père d’une petite fille. C’est un dilemme que de pratiquer une discipline à haut risque comme l’alpinisme et d’avoir des attaches familiales fortes.

Deux ans après avoir vaincu le Nanga Parbat, Buhl repart dans l’Himalaya et au cours d’une expédition réussit l’ascension du Broad Peak qui culmine à 8057 mètres, accompagné des alpinistes  Marcus Schmuck, Kurt Diemberger et Fritz Wintersteller, le tout sans assistance, porteurs et sans oxygène. Avec le sherpa Gyalzen Norbu, Hermann Buhl est le deuxième homme à avoir atteint le sommet de deux 8000 mètres.

Quelques semaines après sa victoire sur le Broad Peak, Hermann Buhl en duo avec  Kurt Diemberger, entreprennent l’ascension du Chogolisa 7 665 mètres. Bien que proche du sommet, les deux hommes renoncent à cause d’une tempête. Alors qu’ils sont sur le chemin de la descente, Kurt Diemberger se retourne et constate que Buhl n’est plus là. Diemberger revient sur ses pas. Peu après il comprend que son ami a fait une chute dans le vide en marchant imprudemment sur une corniche qui a cédé. Son corps n’a pas été retrouvé.