Football générique
Contrat record
L’ensemble des dirigeants et propriétaires de clubs anglais se frotte les mains. Les diffuseurs Sky-tv et British télécommunication ont signé un nouvel accord record pour la retransmission des rencontres de la Premier League. La Premier League (PL) touchera la somme record de 6,92 milliards d’euros pour une durée de trois ans. En fonction de ce pactole inouïe, le champion touchera la somme de 210 millions. Quant au dernier, il devra se satisfaire d’un chèque de 136 millions d’euros.
La fuite des stars ?
Ce nouveau deal a lancé plusieurs débats de fond, dont pour les médias institutionnels, celui de la fuite de tous les meilleurs joueurs du monde vers la perfide Albion. Il est difficile de se prononcer sur le sujet, car il n’y a que trois exemples à travers l’histoire du football.
1/ La Dimayor en Colombie. Ce championnat pirate voit le jour après-guerre, il offre à travers les clubs des contrats plus que lucratifs. Les meilleurs joueurs du monde étant sud-américains, certains rejoignent la Colombie dont Alfredo di Stefano qui fuit en douce son club de River Plate.
2/ Le deuxième exemple concerne la NASL, le championnat de football professionnel aux Nord américains durant les années soixante-dix. L’arrivée de Pelé au New York Cosmos donne une audience considérable à la NASL. En fonction des conditions de travail et de la politique salariale, un grand nombre de vedettes sud-américaines et européennes mettent le cap sur les États-Unis.
3/ L’exemple ultime reste le Calcio italien lors des années quatre-vingt. Avec une politique basé sur des salaires très élevés du aux accords passés entre la ligue et les diffuseurs télé, l’ensemble des meilleurs joueurs du monde débarque dans la péninsule italienne, quitte à jouer pour des clubs mineurs pour beaucoup.
À l’examen de ses trois exemples, il est difficile de faire un pronostic sur la fuite éventuelle de l’ensemble des meilleurs joueurs de la planète, bien que le footballeur est un produit de son époque. Une personne qui souhaite s’épanouir économiquement et sportivement à l’intérieur d’un club a dimension internationale.
Équité ?
C’est une marotte des partisans de la PL, la répartition des droits TV en Angleterre serait équitable. Petit rappel.
L’équité repose sur le concept du partage, chaque participant à la compétition perçoit la même rétribution. Le bonus pour le champion est mince, les ligues américaines sont un excellent exemple de ce qu’est réellement l’équité en termes de droits TV. Or dans ce nouveau contrat, on remarque que le dernier de la Premier League touche 136 millions d’euros et le club sacré champion obtient 210 millions.
Ce contrat met fin au concept d’équité qui prévaut depuis toujours en Angleterre. C’est une des nouveautés de cet accord entre les diffuseurs et la ligue. Les clubs les bien moins lotis n’ont pas houspillé face à cette déréglementation plus ou moins voilée, trop heureux de toucher autant d’argent.
Non compétitif
Depuis l’avènement de ce tout nouveau foot-business, les clubs anglais sont régulièrement présents dans les différentes compétitions européennes. Malgré une puissance économique éloquente, les clubs britanniques n’ont remporté que quatre Champions League et deux coupes de l’UEFA sur les vingt dernières saisons à travers trois clubs, Liverpool, Manchester United et Chelsea !
C’est un bilan ridicule pour un football qui concentre en majorité les meilleurs joueurs venu des quatre coins du globe. Ce bilan est couplé à une déculturation du football anglais dans bien des domaines dont celui le plus important, la transformation graduelle de son jeu.
Culture jeu atomisé
L’ouverture, c’est l’appauvrissement en marche, c’est le signe de l’impossibilité à produire et à infliger son savoir-faire à l’adversité. Le football anglais à cesser de vouloir s’imposer par ses propres caractéristiques, il s’est continentalisé et mondialisé. Le football anglais à rejeter tout ce qui avait fait sa force, un jeu basé sur un cocktail détonant.
Face au niveau désastreux des clubs britanniques durant les années cinquante, Stan Cullis coach de Wolverhampton se lance dans de multiples réflexions, certaines de ses idées sont reprises par Don Revie manager du grand Leeds-United des sixties et seventies. Revie entreprend un travail de fond et produit une évolution dans le jeu anglais. Il dote son équipe d’un jeu qui s’articule autour du kick n’rush couplé au passing-game ou le combat physique, la technique et le duel avait une part non négligeable.
Le football anglais s’est ouvert au monde par l’intrusion du groupe Murdoch et de Sky TV pour la retransmission télévisuelle des matches de championnat, et plus tard par l’irruption d’investisseurs étrangers multimillionnaires, d’où l’importation d’entraîneurs venus de l’étranger, ce qui a conditionné l’abandon progressif de son propre football durant les années quatre-vingt-dix et deux mille. Cette mutation a considérablement affaibli le niveau général des clubs anglais sur la scène européenne. La nécessité de draguer les couches aisées de la société britannique et celle de par le monde dont les anciennes colonies membres du Commonwealth, a enfanté un football générique peu compétitif pour un public selfie.
Idéologie
De nos jours, les tenants du football anglais savent que pour être dominant sur la scène continentale passe par la nécessité d’imposer une standardisation du jeu à l’Europe entière. Cette idée repose sur l’affaiblissement de la concurrence en privant l’adversaire de son autonomie culturelle, ce qui l’oblige à produire massivement des joueurs standardisés appelés pour les meilleurs à intégrer les effectifs des clubs anglais. Assoiffés par ce marché plus que lucratif, beaucoup de dirigeants affairistes de clubs européens se sont mis à disposition des clubs anglais.
Finalité
Malgré une politique clairement affichée, rien n’indique que la PL anglaise sera la seule et unique compétition de référence à terme en Europe. Le football demeure un jeu dont la capacité à créer des réflexes d’autodéfense reste étonnent. Seul, le football espagnol en fonction de sa formation semble pour l’instant en mesure de résister à ce nouveau contexte.
Une certitude, au vu du nouveau paysage qui se dessine, les clubs français vont passer une fois de plus à côté d’une occasion inouïe d’évoluer au plus haut niveau en Europe. Cette impossibilité est due à de trop nombreux problèmes qui taraudent le fonctionnement du football tricolore. La grande et nécessaire révolution que doit subir le football français et a société dans sa totalité n’est pas pour demain.