Dernier de cordée

Alors qu’il a intégré depuis quelques mois la formation du club de Birmingham City, le responsable en chef du centre convoque le père d’un jeune joueur. L’educateur fait comprendre au père du jeune apprenti footballeur que son fils n’est guère intéressé par ce qu’il fait. Dilettante, il ne s’implique pas assez, malgré le fait qu’il soit un surdoué dans bien des domaines. L’adolescent n’est pas conservé par le club de Birm City, ainsi commence la légende de Lee Sharpe.

Sharpe retourne au collège, joue dans la rue et sur des espaces improvisés. Alors qu’il fait un essai au club de Torquay United qui évolue en 4ème division, les cadres techniques du club louchent sur le jeune joueur. Sharpe, âgé de seize ans, signe un contrat semi-professionnel sur-le-champ. Après des prestations qui ne passent pas inaperçues, un scout de Manchester United alerte Alex Ferguson qui se déplace pour le voir jouer. Le manager écossais ne perd pas de temps. Sharpe signe un contrat avec le club mancunien.

Lee Sharpe débute en 1989 dans le monde du football professionnel de l’après Heysel. Il appartient à cette génération, qui sera privée durant plusieurs années des joutes européennes, la génération ultime, aussi, qui comprend Alan Shearer, Matthew Le Tissier, Paul Gascoigne, Steve McManaman, Chris Sutton…

Au sein d’un effectif pléthorique, il trouve rapidement ses marques. Lee Sharpe est celui qui fait les choses à l’instinct, qui réalise le plus difficile tout en étant déconcertant, celui à qui bien des jeunes aimeraient ressembler, celui qui inspire les autres, qui les pousse à se mettre à son niveau…

Durant quelques saisons dans cet United en gestation, il anime l’attaque du club mancunien avec audace aux côtés des Robson, Whiteside et Hughes. Sharpe ne fait pas dans la demi-mesure. Il tente, laisse son inspiration le guider jusqu’au bout. Joueur clé de l’équipe de Fergusson, il est pourtant menacé dans son statut de titulaire. La faute à une vie dissolue, ou pas grand-chose n’est cadré. Sharpe aime bien faire la fête jusqu’au matin…

Alors que la génération Ryan Giggs commence à faire ses gammes au sein de la réserve du club, Sharp ne change rien à sa vision du football. Peu à peu, il perd sa place de titulaire au profit de Giggs. Finit les buts ponctués par des danses à la Elvis Presley. Sharp est une idole d’Old Trafford, mais Fergusson ne tient pas compte de cet élan du cœur du public envers ce joueur.

Rigoriste, attaché à ce que ses joueurs soient professionnels en toute occasion, United cède Sharp à Leeds United en 1996. En 1998, il passe par la Sampdoria de Gênes, fait un détour en Islande, rentre au pays et raccroche les crampons après avoir joué quelque temps à Garforth Town, un club amateur qui fut un des meilleurs moments de sa carrière de footballeur.

Beaucoup pensent que Sharpe du fait d’une vie non rangée, a gâché sa carrière de footballeur professionnel. C’est un refrain bien connu des spécialistes de la question football. Si Ferguson avait réussi à faire de Lee Sharpe un moine trappiste, ce dernier n’aurait jamais aligné quelques saisons de haut niveau chez les professionnels, le tout agrémenté de buts non quelconques.

Sharp n’a jamais vu le football comme une fin en soi, il n’a jamais joué pour la gloire, pour s’enrichir et pour le paraitre, mais pour l’adrénaline que le jeu pouvait lui procurer suite à un geste technique décisif, un but et sentir le stade tremblé sous ses pieds.