Comment la télévision dénature le jeu

Quand on évoque l’outil télévisuel de l’autre côté des Pyrénées, le nom de Jaume Roures arrive en tête de liste. Fondateur et patron du groupe Mediapro, Roures est un personnage incontournable dans la diffusion de programme pour la télévision espagnole…

Première période

D’après sa biographie, Roures né en 1950 à Barcelone s’investit dès sa prime jeunesse dans la politique. Adulte, il milite dans les cellules communistes révolutionnaires de tendance trotskystes. Il est arrêté et emprisonné pour ses activités lors de la période franquiste. Une fois libéré, il se tourne vers l’information. Les années quatre-vingts sous gouvernance socialiste son propice pour Roures. Il joue de ses connaissances, fait appel à ses réseaux et fonde la société Mediapro spécialisée dans la production de divers programme pour la télévision.

Le football

Lors des années 2000, Roures s’intéresse au football. Le parlement légifère et donne la possibilité aux clubs de négocier leur propre droit à l’image, Roures observe. Les clubs les plus imposants, le Real Madrid et le FC Barcelone qui ont été les instigateurs de cette loi du laisser-faire raflent la mise. Cet afflux d’argent leur permet de creuser un écart important avec leurs principaux concurrents.

En 2005, “el millonario rojo” avance à grands pas. Il crée la chaîne Gol-Télévision et acquiert conjointement, les rencontres de championnat du FC Barcelone pour 1 milliard et celle du Real Madrid pour 1,1 milliard d’euros. Le tout pour une durée de sept ans. Ce pactole de 150 millions par saison règle la question de la validité morale de la Liga sur le plan sportif. Les diffuseurs ne s’intéressent pas à l’équité, gage, d’une compétition qui répond aux règles du jeu. Ils se consacrent à une seule chose. Le bal des vanités.

D’un football diversifié au football du paraître

En matière de football, l’Espagne a connu plusieurs courants. Le premier est l’enseignement diffusé par des anciens joueurs britanniques devenus entraîneurs et quelques aventuriers techniciens venus des rives du Danube. Vers la fin des années quarante, les évangélistes du Rio de la Plata arrivent en Espagne pour infuser aux clubs locaux un savoir qui permet au football ibérique d’accomplir une mutation immense et qui s’avère définitive sur le plan tactique et dans la compréhension du jeu. Suite à la mort du Général Franco, l’incertitude gagne la société ibérique. Durant les années soixante-dix et quatre-vingt, le football espagnol sombre dans le “fútbol de la muerte” , symbolisé par l’agression d’Andoni Goikoetxea sur la personne de Diego Maradona. Le jeu pratiqué sur les terrains de la Liga n’a cessé d’évoluer, mais sans rompre avec ses fondamentaux. En devenant le diffuseur des principales grosses écuries de la Liga et en fonction de ses divers partenariats, Gol-télévision va peu à peu changer la donne et donc la nature du jeu.

La course aux records, l’opium du consommateur

Les opérateurs publicitaires exigent du spectacle. Des buts et rien que des buts. Les places debout sont supprimées et la capacité des stades est réduite ce qui augmente le prix des abonnements et des tickets de match. Le jeu qui s’était adouci sur les dernières saisons franchit un cap en matière de satisfaction du tout nouveau téléspectateur.

Sous l’insistance des diffuseurs, les élus somment le corps arbitral d’appliquer des consignes strictes. Il s’agit de protéger les joueurs vedettes au-delà du raisonnable. Cette missive change le jeu. De nos jours, la pression médiatique est tellement forte que les défenseurs de peur d’être pointé du doigt en arrivent à être réduits au rôle de plot. Préférant lever le pied que de blesser éventuellement un Cristiano Ronaldo ou un Lionel Messi.

Cette stérilisation du jeu a engendré une multitude de tares dont la course aux records, est un des symptômes les plus représentatifs. Messi couronné nouveau meilleur buteur de la Liga en lieu et place de Telmo Zarra, on assiste à une orgie médiatique orchestrée par des journalistes peu crédibles. Méprisants, ne connaissant rien de Zarra. Son style de jeu, la valeur de ses opposants ou les conditions athlétiques tactiques et matérielles dans lesquelles évoluait, l’attaquant de l’Athletic Bilbao. Chaque période est une question de contexte. On ne compare pas les époques. Toute mesure qui se veut sérieuse aboutit à dévaloriser la performance actuelle et donc, remet, le compétiteur à sa place. C’est inévitable, on ne résiste pas à l’examen des faits. Les tenants du marché le savent d’où le besoin de contrôler l’ensemble des outils de communication, dont la télévision.

Instrument du système

Cristiano Ronaldo et Lionel Messi sont des instruments du football spectacle. Personnalités ascètes et nombrilistes. Ils sont devenus le curseur des supports médiatiques spécialisé dans le sport et le people. Cette volonté de déstructurer et d’infantiliser les esprits a atteint son objectif. Celui de créer, une vaste masse de téléspectateurs acculturés. Cette perception et réception du football imaginé et initié par des architectes de l’image à pénétrer en totalité la pensée des nouvelles classes aisées qui consomme le football comme un produit et non comme un apport culturel. Étranger à ce phénomène antérieur – culture football – le rattrapage consiste à nier le passé.

Spirale du faux

Cette mise en scène affecte l’essence du jeu, car le football est aussi un jeu de contact. L’UEFA est à l’origine de cette nouvelle interprétation du jeu. Les sommes colossales investi par les multinationales qui sponsorisent l’activité football ont modifié la nature du jeu sur bien des points. Le moindre tacle ou geste des épaules peut être synonyme d’un carton jaune, voire rouge, en Liga.

La télévision a cessé depuis bien longtemps d’être un tantinet un outil pédagogique. À l’examen des faits, s’est substitué la confiscation et le piratage de la pensée accouchant d’une spirale du faux. Le jeu ne peut être suborné au besoin de l’image. Il est temps pour tout amateur de football de commencer à cerner et comprendre tous les modes de fonctionnement du football moderne, puis de rejeter graduellement cette purulence abêtissante. Le football est un jeu et accessoirement un spectacle !