Madrid, Barcelone et franquisme
Histoire d’une diversion
Ça faisait un temps que l’on entendait plus les clubs du Madrid et de Barcelone s’envoyer des remarques acerbes au visage au sujet du comportement des deux clubs durant la période du régime franquiste. Récemment, les dirigeants du club catalan se sont fait coincer dans une affaire de corruption concernant l’arbitrage. Vu le mode d’action, les clubs pensionnaire de la Liga ont réagi à cette affaire, alors que le Madrid par la voix de son président est resté muet.
Cette position n’est pas passée inaperçue en Espagne et à l’étranger. Tout le monde gueule, à l’exception du club blanc, puis face à la situation et sous la pression des clubs espagnols, le Madrid fini par se ranger aux côtés de tous ceux qui demandent des comptes aux dirigeants catalans. Depuis, les juntes des deux clubs se rendent coup pour coup.
À première vue, cette algarade entre les gouvernances des deux clubs tombe mal, puisque le Madrid et le Barca sont en première ligne pour la création de la Super Ligue. Je dis à première vue, car derrière ce psychodrame, il y a une volonté des deux clubs de sortir la tête par le haut avec des sous-entendus politiques à la clé.
Commerçant de la mémoire
Le club blaugrana a longtemps commercé avec la mémoire. Dans le prisme barcelonais, les clubs du FC Barcelone et du RDC Espanyol de Barcelone n’ont pas eu à se plaindre des retombés du conflit. Certes des dommages matériels et quelques pertes humaines des deux côtés, mais rien de bien tragique par rapport au Club Esportiu Júpiter, troisième club de la ville en situation de monter en première division au moment du déclenchement du conflit. En moins de deux années, le Jupiter a vu la base de ses supporters et dirigeants décimés, tombé aux cours d’interminables batailles qui les opposaient aux communistes. Le Jupiter était le club des anarchistes de gauche (canal-Durutti) ayant quitté la CNT et la FAI du fait de l’attitude de leurs dirigeantes collaborationnistes, opposé à toute révolution anarchiste.
Je n’ai aucune proximité idéologique avec le communisme universel ( le vrai ) mais il n’en demeure pas moins que le Jupiter est le club martyr du conflit. La guerre finie, il ne reste plus rien du troisième club de Barcelone. Dès lors, la junte du club blaugrana dont les dirigeants se trouvent aux commandes de la vie économique de la ville, travaille à faire du Barca, le club victime de la guerre civile, tout en faisant prospérer leur affaire avec l’avis favorable du pouvoir. Il y a une légèreté, une arrogance et un mépris dans l’attitude du club blaugrana et de ses sociétaires dans le fait de commercer depuis trop longtemps avec la mémoire que je qualifie d’abject.
Le Madrid n’est pas en reste. Certes, Santiago Bernabéu est à jamais l’homme qui a façonné le club blanc, néanmoins l’histoire du Madrid est hautement entachée d’une quantité de fait amorale. Il n’y a pas de bon et de méchants dans ce genre d’histoire. Il n’existe aucun club doté d’une morale à toute épreuve, quel que soit son statut social, dans le monde du football professionnel.
La presse
Je n’ai pas passé en revue ce que publie la presse espagnole sur le sujet, car j’en connais le contenu depuis fort longtemps. La position de la presse française est plus intéressante. Elle est emplie de lourd sous-entendu. Jadis, sa position était sans ambigüité. Le Madrid était le club du pouvoir et le Barca, le club victime de la guerre civile et de la dictature. Fermer le banc.
Depuis une vingtaine d’années, les médias hexagonaux ont corrigé le tir, la faute à l’arrivée de joueurs français dans l’effectif du club madrilène et la présence tout aussi massive de joueurs afro maghrébins. Entre antifascisme d’opérette et l’apparition d’une multiplicité ethnique et culturelle sous le maillot banc, la presse sportive nationale, toujours au garde-à-vous dès qu’il s’agit d’épiderme, à modifier son narratif et s’est évertué à minorer ( par ignorance) le passé du Madrid au point de dresser des lauriers au club blanc. Ses gauchistes sont dotées d’une hypocrisie sans commune mesure.
Mondialisme
Le Madrid et le Barca pour des raisons semblables ou parfois contraires, ont été les grands profiteurs de la période franquiste. Ils n’ont donc rien à gagner dans ce type de confrontation. Il s’agit à travers cette entreprise de communication de modifier le regard des consommateurs étrangers de par le monde qui n’ont aucun rapport avec l’Espagne et son histoire et qui payent des sommes folles en abonnements télé sans parler du reste.
Ces clubs sont soumis depuis des années à de fortes pressions provenant des organismes financiers, banques, sponsors et l’UEFA qui financent le monde du football à travers les clubs les plus huppés du vieux continent.
Actuellement, le Madrid et le Barca porteurs du projet de la super ligue, qui leur impose d’abandonner le championnat d’Espagne, s’emploient à construire une nouvelle normalité. Celle d’évoluer sans joueurs autochtones, remplacer par du pantalon à une jambe allogènes. Certains parleront de grand remplacé, ou de loi du capital et sa valeur d’échange fictive, je préfère parler d’épuration ethnique ! Même, les socios, les moins accrochés à une identité assumée des deux clubs, ont du mal à avaler la pilule.
Il était donc nécessaire pour les juntes des deux clubs phares de la Liga, de saisir ce moment pour faire diversion et d’emmener les supporteurs locaux à condamner cette Espagne franquiste et la connotation nationale qui en découle. Car, il s’agit plus que jamais de sortir le Madrid de son hispanité et le Barca de son catalanisme, chaque année qui passe. Renier son histoire et son identité pour être accepter ailleurs. Il faut bien satisfaire New York.