Luiz Alfonso Pérez

Durant le printemps 1952, un jeune entraîneur assistant débarque au stade Villa-Belmiro de Santos. Luiz Alfonso Pérez surnommé Lula se voit offrir par la direction du club pauliste la responsabilité des équipes de jeunes. Un cadre du club Peixe est venu le chercher suite à la recommandation d’un ami. Pour Lula, c’est un formidable challenge, car l’homme a jamais jouer chez les professionnels. Lula est un brave homme qui s’est contenté de jouer le rôle d’utilitaire de service pour de petits clubs, jusqu’à ce jour.

Santos

Le Santos Football Club est fondé en 1905. Santos est une presqu’île dont l’activité tourne essentiellement autour de l’activité commerciale de son port et du tourisme. 

La grande vedette de l’équipe, Urbano Caldeira, joueur vedette puis manager général, permet au Peixe surnom de la formation Santista de se développer. Dès 1916, le club dispose de son propre terrain orné d’une tribune d’honneur construite en bois. Lors de la saison 1935, les dirigeants expérimentent un système d’éclairage pour jouer en nocturne, le club remporte son premier titre de champion de l’État de São Paulo. Aucune dynamique n’intervient après ce premier sacre, les différentes formations du Santos sont abonnées aux places d’honneur, loin derrière les ogres de São Paulo.

En 1945, Athiê Jorge Coury ancien joueur du club au poste de gardien, fils de bourgeois diplômé de l’université Mackenzie et spécialiste en économie et politicien au sein du Parti social progressiste, s’installe à la présidence du club. Sous sa direction, le stade Villa Belmiro est doté d’une tribune d’honneur et d’un virage en béton qui remplace les travées en bois obsolètes. C’est dans cette atmosphère de club de vacances au bord de mer que le jeune technicien Luis Alfonso Pérez pose son sac.

Paternalisme

Deux saisons plus tard, excédées par les mauvais résultats, en manque d’argent pour débaucher un entraîneur de renom, la direction du club bombarde Lula au poste d’entraîneur en chef. Attachant, sincère dans sa démarche, Lula jouit d’une certaine côte auprès de ses joueurs. Lors de ses deux saisons à la tête des équipes de jeunes, il a accompli un travail de fond qui n’est pas passé inaperçu aux yeux des dirigeants du club. Conscient de la valeur de cet entraîneur, le comité laisse faire…

Lula a une approche du football similaire aux uruguayens et argentins du rioplatense. Il veut des joueurs techniques, complets, autonomes qui pensent le jeu et qui agissent, lui, se charge du reste, la tactique, la connaissance de l’adversaire et  la psychologie des joueurs. Au cours des premières saisons, Lula fédère autour de lui un effectif de plus en plus homogène à tous les niveaux. Les joueurs apprécient son côté paternaliste, ce qui les change de ce qu’ils ont connu ailleurs.

À la tête du club Peixe, Lula se met en tête de fusionner les deux expressions prédominantes dans le football brésilien, le style carioca et le style pauliste. Le jeu de Rio pose un problème, celui de l’absence de jeu sur les deux tiers de la surface de jeu. Toute la motricité créativité se déroule aux abords des trente derniers mètres. Le jeu pauliste couvre par son action la totalité du terrain, mais il demeure moins créatif en phase offensive. Lors de ses confrontations face au club de Portuguesa, Lula fait sa première découverte d’envergure. Zito, jeune joueur inconnu, devient la pièce maîtresse de la formation de Lula. Zito est le joueur clé que voulait Lula. Sous les conseils de Lula, Zito se transforme et donne toutes ses lettres de noblesse au poste de volante, le concept du joueur hybride est peu développé par l’ensemble des entraîneurs avant et après-guerre.

Défenseur, relayeur, créateur et buteur, le numéro cinq de Santos devient la clé de voûte du jeu de la formation Santista et de la sélection, bien plus tard. Peu à peu, Lula s’attelle à transformer le jeu d’attaque de son équipe. Il passe au 4-2-4 en apparence, car son équipe reste très mobile en situation de phase offensive ou défensive. Lula impose une dynamique de groupe, il fluidifie son effectif avec les éléments formés au club et ceux achetés pour rien aux quatre coins du pays.

À la manière d’un manager britannique, Lula supervise l’ensemble des équipes du club. Il fait signer un jeune venu de Bauru, une ville de l’État de São Paulo, Arantes do Nacsimento qui répond au sobriquet de Pelé. Le gamin semble prometteur, Lula ne change rien aux qualités naturelles du jeune. Il fait de mêmes choses avec le reste des autres joueurs. Il les laisse mûris, se construire par eux-même. Le travail de Lula paye. Le Peixe décroche le titre de champion de l’État de São Paulo.

Le premier étage de la fusée Santos posé, Lula continue son ouvrage sans relâche. En aucun cas menacé par le comité central du club pauliste, sa longévité sur le banc du club est un record. Peu à peu, la machine Santos se met en place. Le jeu gagne en qualité, les titres de champion d’État s’accumulent du côté de l’enceinte de Villa Belmiro. En 1957, le jeune Pelé débute en équipe première, la formation Santista fait un bond sensationnel. Aux côtés de son compère Pepe en attaque et assisté par Pagao, son sherpa, le jeune Pelé explose tous les compteurs. L’incorporation de Pelé permet à Lula de donner de la vitesse et de la profondeur à son équipe.

Pelé

Lula est très attentif aux divers joueurs qui affrontent son équipe, il repère des joueurs anodins puis propose à Jorge Athiê de les faire venir à Santos. “Papa” Lula s’occupe de tout, surtout de convaincre le joueur et les parents s’il le faut pour rejoindre l’effectif de son équipe. On remarque l’attaquant Dorval, que Lula fait venir de Força e Luz, un petit club de la localité de Porto Alègre sur le côté droit, le milieu Toninho Guerrero vient de Noroeste, Antonio Wilson Honório dit Couthinho est produit de la Santos académie, Dalmo légendaire latéral que Lula découvre au Guarani de Campinas, seul le défenseur Calvet en provenance du Gremio, Mauro Ramos de Oliveira, arraché au club de São Paulo et le gardien Gilmar des Corinthians sont des joueurs reconnus et, acheter à prix d’or, quand ils intègrent les rangs du Peixe. Avec les titres qui s’accumulent, le club de Santos commence à gagner beaucoup d’argent…

Émancipation

C’est le moment où la direction du club entreprend la reconstruction du stade. La victoire retentissante du Brésil en Suede, durant l’été 1958, propulse le football auriverde sur le devant de la scène mondiale. Santos et ses champions du monde font l’objet de multiples sollicitations. Le club refuse de vendre ses meilleurs éléments, les dirigeants préfèrent entamer des tournées lucratives un peu partout dans le monde pour pouvoir conserver leurs meilleurs éléments, enfin le gouvernement fédéral s’oppose à tout transfert de Pelé à l’étranger. Santos rafle l’ensemble des compétitions, Championnat de Sao Paulo, Coupe du Brésil qui fait office de championnat national à plusieurs reprises et s’offre un doublé en Coupe Libertaoderes er intercontinentale. Hormis le Vasco Gama fugitivement en 1948, Santos est le premier club de l’histoire du football brésilien qui rivalise avec les clubs uruguayens et argentin sur le continent sud-américain.

Si la plupart de ses rencontres sont des démonstrations qui servent à exposer les vedettes du Peixe et remplir les caisses du club et les poches des joueurs, Lula ne perd jamais l’occasion d’observer en profondeur l’expression culturelle et le niveau global du football en Europe. Ses tournées répétitives sont un frein à la bonne santé de l’effectif. Le trop-plein de blessures et de matchs, empêche, Santos de rester au sommet du football sud-américain.

Eviction

En 1966, le stade Belmiro ruissèle d’intrigues, la défaite face au Cruzeiro lors de la finale du championnat du Brésil est restée dans certaine gorge. Pelé, manipulé par certains dirigeants ainsi que d’autres joueurs, provoque le départ de Lula. Pour Luiz Alfonso Pérez, le choc est énorme. Après quatorze ans à la tête du Peixe, un record, il part se reposer pour donner une suite à sa présence dans le football.

Les témoins de l’époque ne s’accordent pas sur les faits. Encore aujourd’hui, l’incompréhension subsiste, le journaliste Fernando Campos Ribeiro qui a consacré une biographie à Lula n’apporte aucune nouveauté sur cette séquence.

Malgré des dizaines de propositions dont le Real Madrid, Barcelone, Milan et leurs millions, Lula reste dans la région. Il prend en charge le club des Corinthians qu’il mène au titre de champion de l’État de São Paulo en 1968. Pour Lula, ce n’est pas une revanche, il considère que le projet qu’il avait commencé quatorze ans plus tôt à Santos n’est pas terminé. Pour le club de Santos, le départ de son coach marque le début de la fin. Le club Peixe, rentré dans le rang au cours des saisons suivantes.

Les saisons défilent, les entraîneurs passent, malgré la présence de joueur tel que Clodoaldo, Carlos Alberto, le Santos est incapable de retrouver sa force, vu par le passé. En 1971, Lula est pressentie pour revenir au club, cependant d’après certaines rumeurs qui restent invérifiables, le roi Pelé aurait mis son veto au retour de son ancien mentor.

Les proches de Lula, sont inquiets, l’homme à laisser tomber les Corinthians et continuent à rejeter les propositions pharaoniques de grosses écuries européennes. Un an plus tard, alors qu’il suit une rencontre de son cher Santos à la télévision, deux amis, le retrouvent inanimé alors qu’ils préparaient à manger durant la mi-temps du match…

Ainsi, l’homme qui a fait de Santos, un club double champion du monde, qui a fait de Pelé, Coutinho, Zito, Pepe et d’autres des joueurs d’exceptions, qui a fait tactiquement évoluer le football auriverde, qui a réussi à métisser les jeux de Rio et de São Paulo, ce qui a servi de base à la sélection nationale de remporter le mondial mexicain, Luiz Alfonso Perez demeure à ce jour oublié par la mémoire d’une bonne partie de son pays et reste ignoré de la presse internationale sportive…

Réflexion

Son renvoi reste à ce jour peu débattu par la communauté des supporteurs du club Peixe. Il s’agit pour tous les amateurs de football au Brésil et la presse nationale d’un sujet plus que délicat à aborder…

Il ne faut pas tourner autour de la chose. Lula fut victime de son succès. Il était le club de Santos. Plus important que Pelé, rien ne pouvait fonctionner sans lui. Son emprise sur le club et les joueurs étaient absolus. Les dirigeants ont vu ça d’un mauvais œil. Dépossédé de leur emprise sur le club, ils ont retourné Pelé et certains de ses équipiers contre leur coach. La défaite face au Cruzeiro a agi comme un déclencheur. Enfin, il y a la jalousie et la haine que Lula avait finie par susciter du fait de sa réussite hors normes dans les cercles de pouvoir, dont l’université et l’armée, qui structure la DTN locale et la pensée des cadres de la CBF.

Luiz Alfonso Pérez était un brave homme sans passé, simple ouvrier du football qui s’est vu offrir un jour la possibilité de faire, à la tête d’un club, quelque chose à sa façon. Il savait au fond de lui qu’il était capable d’accomplir de grandes choses. Il en est sorti le meilleur !

Éloigné de Santos, il cessa de garder espoir de retrouver ce qu’on lui avait ôté de sa vie, sa maison et ses enfants. Il était naturel que ce grand affectif ne survive bien longtemps à cette situation. Le chagrin a eu raison de lui.

Ce texte original, consacré à Luiz Alfonso Pérez est le premier rédigé en français et publier sur le NET