La finalité néolibérale  

Le feuilleton concernant la vente du club de football italien de l’Associazione Calcio Milan a pris fin. Ça fait plusieurs années que Silvio Berlusconi avait mis en vente le club qu’il détient à 100% par le biais de sa holding, la Fininvest. La crise et des revenus en baisse ont altéré la santé financière de son groupe. Condamnée par la justice italienne suite à l’affaire de l’acquisition des éditions Mondadori à auteur de plus de 500 M€, auquel s’ajoute un divorce fort coûteux, l’impossibilité de financer son club à fonds perdu a produit assez rapidement une dette de 240 M€.

Vu la somme demandée par Berlusconi, 740 M€, personne ne s’est manifesté en Italie pour reprendre les rênes du club. Après de multiples contacts avec des investisseurs basés en Asie dont Bee Taechaubol, un homme d’affaires thaïlandais en relation avec le fonds d’investissement Doyen Sports, et une entreprise chinoise de commerce en ligne, l’entrepreneur lombard a fini par trouver un accord de session de 99,9 du club milanais au consortium chinois, Investment Management Changxing pour la somme de 740 M€ à travers une filiale créer pour l’occasion, Rossoneri Sport Investment Lux.  Le club sera présidé par Monsieur Yonghong Li, le poste d’administrateur délégué échoue à Marco Fassone, quant à Massimiliano Mirabelli, il prendra en charge l’aspect sportif du club.

Il y a trente ans, Berlusconi avait repris le club lombard mal en point pour lui redonner selon ses propos, son prestige d’antan. L’homme d’affaires transalpin outre  ses chaînes de télévision avait besoin d’un outil de communication pour mieux véhiculer la notion néolibérale dans une Italie peu enclin à épouser ce type de politique, pourtant en vigueur depuis l’après-guerre.

Trente ans plus tard, le bilan est sans appel. Les footeux affichent le palmarès obtenu sous l’ère Berlusconi, mais sans prendre le soin d’en discuter en profondeur. Mieux, ils célèbrent le grand virage souhaité et imaginé par Berlusconi du football fast-food et mondialisé, les joueurs italiens malgré la présence de Franco Baresi et Paolo Maldini ont été marginalisés au profit des vedettes étrangères. Ruud Gullit, Marco Van Basten, George Weah, Andrei Shevchenko, Kaka, tous lauréats du Ballon d’or et dont certains ont franchi le Rubicon pour se lancer en politique et délivré le message néolibéral.

La concurrence toujours plus forte en matière de droit télé entre ténors du football européen a fragilisé le football italien. La crise a réglé la question sans parler du reste, évoquer au début de l’article. Le club du Milan était par la représentation de ses supporteurs ouvriers des usines Alfa-Romeo et Pirelli, proche du mazzinisme, l’alliance entre les entrepreneurs et le prolétariat lombard sur le plan économique et social. Dès sa prise de fonction, Berlusconi s’est attelé à « domestiquer la tribune ».

Le néolibéralisme antithèse du libéralisme est une fuite en avant pour des dominants intérimaires. C’est la sacralisation d’un capitalisme consanguin qui se structure à l’intérieur de réseaux sans frontières. Il était logique que le Milan soit un jour détenu par des investisseurs étrangers qui ne possède aucun lien avec ce club et leur supporteur, en somme, la logique néolibérale appliquée dans sa finalité, mais tout refoulement identitaire sous couvert de l’argent et de victoires tronquées n’est jamais un gage de progressisme.

La question anthropologique n’a pas encore gagné les tribunes des clubs qui ont subi une éradication totale de leur identité à travers la mondialisation du football. Un club, c’est les supporteurs, une communauté sociale structurée par sa culture d’origine, les joueurs ne sont que de passage, tout comme les touristes d’Easy Jet. Tôt ou tard, cette séquence néolibérale va s’achever malgré les vieilles ficelles que les tenants du football actuel vont s’évertuer à utiliser jusqu’au bout pour continuer à instaurer et vendre ce népotisme qui commence à altérer sérieusement l’image que véhicule le football et donc le marché…