Le plus fort de tous les temps

C’est un des sujets les plus abordés sur les réseaux sociaux en matière de sport. Cette question nous révèle bien des choses. La perception du sport par les jeunes et les plus jeunes ainsi que chez beaucoup d’adultes au travers des médias professionnels. Autant être honnête, c’est le néant.

Les débats sont sévères, voire d’une violence inouïe. Une addition d’aliénés capable de donner raison à un Jorge Luis Borges pour son mépris légendaire envers le football. Vous ne verrez jamais chez la totalité de ses sécateurs acculturés aborder la technicité d’un champion, ses qualités, ses faiblesses. Enfin, ils sont obnubilés par la statistique et le ressentiment – on se demande en quoi ? – qu’ils projettent envers certains compétiteurs.

Obsédés par la hiérarchisation, c’est un mantra qui revient sans cesse dans leur analyse ; or, la recherche du Goat est récente. Elle intervient avec la naissance d’Internet. La technologie donne la possibilité à n’importe qui d’établir des classements sans aucune explication.

La comparaison des époques pose un problème de taille pour le système. Elle dessert en terme de méritocratie les compétiteurs actuels, d’où le rôle du marché qui se charge de réécrire l’histoire du sport à travers des plates-formes médiatiques qu’il finance par le biais de la publicité.

Valider le présent

Il est bien plus confortable sur le plan intellectuel de mettre en opposition un champion par rapport à un autre à travers les âges en se servant de la statistique que de comprendre les contextes. Expression dans le jeu, innovation ou pas, sur de multiples points. Pour le système dominant, il ne s’agit pas de démontrer que tel champion est supérieur à un autre. Il faut valider le présent. La forfaiture !

Jadis, bien avant la révolution numérique, la question du « plus grand de tous les temps » n’existait pas. On parlait de meilleur de sa génération !

La statistique.

La statistique dans le sport est un outil qui vise à manipuler la masse. Elle est mise en avance à condition qu’elle valorise le champion ou l’équipe en activité.

Vous ne verrez jamais ses professionnels du résultat aller au bout de leur logique. Ils évitent les statistiques qui peuvent s’avérer contre-productives, pour insister uniquement sur celle qui met en lumière le champion en question. Cette manipulation fonctionne, car elle s’adresse à un public de plus en plus jeune.

En matière de sport, la statistique est un instrument de mesure qui n’autorise pas à juger de la valeur objective d’un compétiteur. Seules quelques disciplines telles que le Baseball permettent de faire des comparaisons entre les différentes époques. Abêtissement, paupérisation de la pensée, de l’intérêt pour le sport. Nous sommes tous concernés par le problème. Il ne faut pas avoir peur de se réapproprier l’histoire du sport…..Ainsi que le reste.

Les “champions” quelle que soit leur discipline ne sont que les produits de leur époque. L’économie moderne ne se soucie pas de la valeur réelle. Le marché dicte sa loi. Il corrompt, il menace, il impose, il écarte, il atrophie la pensée de chacun et le sport est le meilleur outil d’étude de ses quarante dernières années. L’idéologie libérale à son paroxysme, et ce n’est pas fini.

Récemment, Ross Brawn, ex-ingénieur et patron de l’écurie F1 qui portait son nom à annoncer certains changements sur le plan technique, concernant sa discipline. Il s’agit d’intéresser les plus jeunes – comprendre les moins de 15 ans – ce qui est déjà le cas depuis une vingtaine d’années. Néanmoins, Brawn veut aller encore plus loin. La scénarisation des compétitions ne suffit plus.

En son temps, le réalisateur Fritz Lang déclarait que le cinéma était fait pour les enfants. Désormais, il en est de même pour le sport…